Comment le dégoût nous protège-t-il ? Est-il universel ?

Dans cet article, vous apprendrez pourquoi on éprouve (parfois subitement) du dégoût pour certaines choses ou certains êtres, comment il se manifeste et à quoi il sert. Nous examinerons également rapidement les causes les plus fréquentes de dégoût et leurs bases culturelles.

Comment le dégoût nous protège-t-il ? Est-il universel ?
Photo by Chauldry Agho on Unsplash

Qu’est ce que le dégoût ?

Pour le CNRTL, le mot « dégoût » revêt trois sens principaux :

  1. un manque d’appétit
  2. une aversion, une répugnance
  3. un manque d’intérêt ou d’estime pour quelque chose (parfois pour quelqu’un)

Par extension, ces trois aspects du dégoût traduisent tous une réaction de rejet face à ce qui est nocif ou à ce qui nous salit (sur les plans physiques et psychologiques). C’est le cas quand nous absorbons un aliment pourri, mauvais pour notre santé mais aussi face à un comportement contraire à nos valeurs.

Dans un numéro d’Ethnologie française de 2011, Memmi, Raveneau et Taïeb en donnent cette définition très complète : le dégoût est « une réaction très négative face à une substance, une situation, un être ou une classe d’êtres, se traduisant par un malaise pouvant aller jusqu’à la nausée et s’imposant comme un affect dont l’expression est indissociablement somatique et psychique, mais peut prendre une signification morale.« 

Dégoût ou dégoûts ?

Grâce aux définitions précédentes, nous pouvons distinguer deux grandes catégories de dégoût :

  • les répulsions résultant de notre corps (soma en grec), issues de nos organes sensoriels, en particulier
  • les dégoûts ayant un rapport avec notre esprit (psyché), notre système de valeurs et de croyances

A quoi sert le dégoût ? De quoi nous protège-t-il ?

Comme toutes les autres émotions, le dégoût a eu, au cours de notre évolution en tant qu’espèce, une utilité essentielle : nous éviter de mourir par intoxication, infection ou par contagion. Les êtres humains – comme les autres animaux – disposent donc d’un répertoire comportemental qui leur permet d’y réfléchir à deux fois avant d’ingérer, de respirer, de toucher certains aliments, plantes ou animaux potentiellement toxiques mais qui les empêche également de se placer dans des situations périlleuses pour eux-mêmes ou les membres de leur groupe.

On le voit, quelle qu’en soit la cause (somatique ou psychologique), le dégoût sert à nous protéger en nous éloignant des facteurs de contamination et/ou de menace de notre existence, de notre intégrité physique, mentale et morale.

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Le dégoût comme pilier de l’expérience morale

Plusieurs grand penseurs lient effectivement le dégoût avec la morale personnelle – celle qui est issue de notre système de valeurs mais aussi de la culture au sein de laquelle nous avons grandi.

C’est notamment le cas d’Aurel Kolnai qui publie en 1929 un essai sur le dégoût où il suppose qu’en l’absence de dégoût physique on assisterait à une « atrophie de l’expérience morale« . Pour lui, le dégoût se situe entre le mépris (le rejet moral d’un objet) et la nausée.

« Le dégoût est un moyen de nous éloigner et de rejeter tout ce avec quoi nous ne voulons pas être associé(e) ou confondu(e), pour nous permettre de préserver notre identité – à nous ! » A. Kolnai

C’est ce que semble confirmer en partie les travaux du neurologue cognitiviste brésilien, Jorge Moll. Comme chez tous les mammifères, le dégoût permet aux êtres humains de recracher des aliments ou des objets non comestibles, notamment en vomissant. Par ailleurs, on observe fréquemment chez l’humain le fait que des situations immorales peuvent nous rendre véritablement malades (avec le même genre de symptômes que le dégoût physique). Lors d’une expérience IRM sur 13 adultes, J. Moll a montré que les émotions de dégoût (physique) et d’indignation (morale) ont stimulé les mêmes régions du cerveau, notamment les zones liées à l’odorat et au calcul des avantages et inconvénients d’une décision. Mais (et la différence est importante), une zone liée aux relations interpersonnelles et une autre responsable du langage étaient stimulées uniquement par l’indignation, alors que l’amygdale, impliquée dans la peur, était stimulée seulement par la répulsion physique.

Comment se manifeste-t-il physiquement ?

Le dégoût survient en dehors de notre pensée rationnelle et de manière automatique.

En effet, quelle qu’en soit la cause, le dégoût se manifeste très rapidement par un recul voire un geste de mise à distance. C’est une véritable réaction de rejet en lien direct avec les sensations. Le dégoût est physique et est dont souvent caractérisé par une réaction typique du corps : un haut le cœur.

C’est l’odorat qui est de loin le sens le plus affecté. Mais cela va plus loin puisque parfois, seule l’idée d’être pénétré par une substance volatile, nauséabonde et répugnante suffit à provoquer le haut le cœur.

une femme dégoûtée
Crédit photo : Andrea Piacquadio

Les causes du dégoût

Pour la plupart des gens, puisque les réactions de répulsion se manifestent souvent instantanément, c’est parce que les objets du dégoût seraient « naturellement » dégoûtants ! Cependant, nous le savons, même si le dégoût est une émotion fondamentale instinctive, les causes de nos répugnances sont elles, culturellement construites.

Une étude de chercheurs britanniques qui a porté sur 2500 volontaires anglophones a montré que les causes du dégoût semblent se répartir en six grandes catégories :

  • la mauvaise hygiène
  • les animaux ou les insectes potentiellement vecteurs de maladie
  • les comportements sexuels à risque
  • les problèmes d’apparence physique
  • les lésions corporelles
  • les aliments présentant des signes de détérioration

Cette étude a également montré que les femmes éprouvent des sentiments de dégoût globalement plus marqués que les hommes (mais pour l’instant aucune étude n’a réussi à comprendre pourquoi) et que le dégoût évolue avec l’âge (nous le serions de moins en moins au fur et à mesure de notre avancée en âge).

La construction sociale du dégoût

Une question d’éducation

Il suffit de regarder cette vidéo (ou une avec des japonais mangeant du roquefort pour la première fois) pour s’apercevoir que les objets du dégoût sont très dépendants de notre âge et de notre culture. Je suis certaine d’ailleurs que vous vous souvenez d’aliments que vous ne pouviez pas avaler lorsque vous étiez enfant alors que vous vous en délectez aujourd’hui.

Notre éducation, notre culture, nos expériences sensorielles ont façonné nos goûts et nos dégoûts sur tous les plans : gustatifs évidemment mais aussi esthétiques et sociaux. Elles ont également forgé notre rapport à l’étrange, au non-commun, au déviant.

Ainsi, certaines personnes ne peuvent pas supporter une proximité corporelle avec des personnes manifestant certaines pathologies non transmissibles (pathologies psychiatriques par exemple), comme si le fait de toucher voire uniquement de côtoyer ces personnes pouvaient, en quelque sorte, les contaminer. Cette réaction est totalement irrationnelle évidemment mais elle n’en est pas moins irrépressible pour ces gens-là. La répétition des expériences et l’éducation peuvent heureusement venir à bout de ce qui apparaît, au premier abord, comme un réflexe de rejet (mais qui est en fait le produit d’une représentation erronée).

Intimité et dégoût

« Les familles unies, certes, ne manquent pas ; mais quand on songe à la quantité de ménages où deux êtres s’exaspèrent, se dégoûtent autour de la même table, du même lavabo, sous la même couverture, c’est extraordinaire comme on divorce peu. » André Mauriac – Le nœud de vipères

Les réactions de dégoût peuvent toutefois concerner des individus proches (conjoints, parents, enfants, collègues de travail…).

Si cela concerne une personne que l’on est sensé aimer, le dégoût se double alors d’un sentiment de culpabilité et/ou de honte. Mais même si on se sent coupable ou honteux, cela ne supprime pas l’émotion de répulsion. Bien au contraire, elle peut même être décuplée. Et à force d’éviter de se confronter à ce dégoût « immoral », des symptômes peuvent évoluer en sourdine et se transformer en véritables pathologies invalidantes.

On entend souvent que la nausée ou l’envie de vomir sont liées à des choses mal digérées sur le plan symbolique. Mais gardons-nous d’explications à l’emporte-pièce qui ne seraient, de toute façon, que partielles face à la complexité du vécu profondément singulier de chacun d’entre nous.

Quoi qu’il en soit, des réactions de dégoût qui apparaissent brutalement à l’égard de quelqu’un avec lequel on entretenait auparavant des relations intimes sont toujours le signe qu’un ou plusieurs de nos besoins sont ignorés ou bafoués sur les plans physiques ou symboliques.

Le dégoût de son conjoint

Ainsi, une répulsion soudaine pour son conjoint peut être consécutif à un viol de notre intimité (au sens propre ou au sens figuré) dont notre conjoint est l’auteur ou parce que son comportement nous renvoie inconsciemment à une situation vécue antérieurement avec d’autres personnes.

Il est également possible que certaines personnes (qui ressentent les relations sexuelles avec leur partenaire comme des viols sans forcément en être conscientes) développent de véritables aversions pour la sexualité ou pour le contact physique. Dans ce cas, les victimes ne sont souvent pas en mesure (pour des raisons variées) de mettre des mots sur le fait d’avoir été abusées par leur partenaire (ou par quelqu’un d’autre et dans d’autres circonstances). Leur corps prend la relève en quelque sorte et le dégoût leur envoie le message de s’éloigner de cette relation considérée comme toxique.

Ce genre de signal ne doit pas être pris à la légère. Si vous ressentez une aversion physique soudaine pour votre partenaire, il est important de pouvoir en parler à quelqu’un. Votre partenaire doit être votre premier interlocuteur. Vous devez également vous en ouvrir à un professionnel qui vous aidera à comprendre ce qui se passe. N’oublions pas que cela peut se jouer sur un plan symbolique et ne pas concerner directement la personne qui partage votre vie.

A (re)lire et à (ré)écouter

la nausée

coach de vie

Merci de m’avoir lue jusqu’au bout ! J’espère que cet article vous a plu. N’hésitez pas à m’écrire dans la section « commentaires » vos réflexions sur ce sujet.

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